Les poissons forment un groupe de plus de 25 000 espèces et, de ce nombre, environ 40 % vivent en eau douce. La répartition des espèces sur la planète est très inégale et c’est en approchant de l’équateur que le nombre d’espèces devient le plus important. Nos eaux froides sont relativement pauvres en ce qui a trait à la diversité des espèces et ce phénomène est dû en grande partie à la dernière glaciation, qui date d’environ 10 000 ans.
Moins d’une centaine d’espèces composent les poissons d’eau douce du Saint-Laurent, soit de manière permanente, ou pour un bref passage lors d’une étape de leur cycle vital. Pas plus d’une quarantaine sont couramment, ou occasionnellement observées par les plongeurs sous-marins et de ce nombre, une trentaine seront incluses dans ces pages.
Physionomie
Selon certains, l’humain et le poisson auraient en commun un lointain ancêtre, à qui nous devrions notre colonne vertébrale. Les poissons sont donc des vertébrés aquatiques, et les espèces présentées dans ces pages appartiennent à la classe des ostéichtyens, des poissons osseux à squelette partiellement ou totalement ossifié.
L’identification exacte d’une espèce est souvent déterminée par la forme, la taille et la position des nageoires. À cela s’ajoutent le nombre et le type de rayons. Les nageoires sont soit munies de rayons mous, soit munies de rayons rigides ou épineux.
Les poissons sont superbement adaptés au milieu aquatique. L’eau étant plusieurs centaines de fois plus dense que l’air, le corps du poisson type est fusiforme et parfaitement hydrodynamique. La forme spécifique des différentes espèces est toutefois très variable et largement tributaire du milieu et du mode de vie.
Les poissons vivant près de la surface ont tendance à être plutôt minces et allongés. Les poissons fusiformes aux deux extrémités et comprimés latéralement sont les plus rapides et vivent entre deux eaux. Les poissons vivant plus près du fond ont des formes plus lourdes, et ceux vivant sur le fond sont plus massifs et aplatis.
Les poissons sont des animaux à sang-froid qui n’ont ni poils ni plumes pour les aider à maintenir la température interne de leur corps. Pour survivre, ils ajustent leur température interne à celle du milieu environnant. Certaines espèces sont si sensibles aux variations brusques de température qu’elles peuvent facilement en mourir.
On note cependant que la plupart des espèces ont la peau recouverte d’écailles. Celles-ci améliorent leur hydrodynamisme et jouent le rôle d’armure, les protégeant des coups et des parasites. Un mucus aux propriétés antibiotiques, sécrété par une glande cutanée, recouvre ces écailles et accroît leur résistance aux infections.
La forme, le nombre et la taille des écailles sont des éléments cruciaux dans l’identification de certaines espèces, ainsi que dans la détermination de l’âge d’un spécimen. À l’instar des cercles concentriques qui apparaissent sur la coupe transversale d’un tronc d’arbre, les écailles de poissons possèdent des lignes de croissance concentriques. Les périodes de croissance estivales sont identifiées par des bandes concentriques plus claires et les disettes hivernales, par des bandes sombres et plus étroites. D’autres informations comme les périodes de frai et certaines maladies peuvent également en être déduites. Pour être exacte, l’interprétation doit être faite avec prudence, et ce par un spécialiste en scalimétrie.
Ce sont les chromatophores, des cellules pigmentaires, qui donnent leur couleur aux poissons. La couleur sert principalement au camouflage, mais aussi lors des parades nuptiales à la période du frai.
Propulsion
Les nageoires assurent les rôles de propulsion, de direction et de stabilisation. La plupart des poissons sont munis de cinq nageoires différentes, regroupées en deux types. Trois d’entre elles sont dites impaires : la caudale, la dorsale et l’anale. La première est située à l’extrémité de la queue. La deuxième, simple ou double selon la famille, se retrouve sur le haut du corps. La troisième, elle, prend position sous le corps, vers l’arrière. Les deux autres sont dites paires : les pectorales et les pelviennes. Les nageoires pectorales sont bien visibles à l’avant et de chaque côté du corps, tandis que les pelviennes, elles, sont situées sous le corps et devant la nageoire anale.
Certaines espèces peuvent faire exception, comme l’anguille, qui n’a pas de nageoires pelviennes, ou les salmonidés, qui ont une petite nageoire adipeuse derrière la nageoire dorsale. D’autres encore ont des nageoires modifiées de manière à pouvoir marcher sur le fond ou à coller sur le substrat.
Le déplacement de la plupart des poissons est tridimensionnel. Leur masse spécifique étant similaire à celle de l’eau, ils peuvent se déplacer avec une aisance relative, tant horizontalement que verticalement. En réalité, les poissons sont plus lourds que l’eau et couleraient lentement vers le fond si ce n’était de leur vessie natatoire. Vestige pulmonaire logé dans la partie dorsale du corps, la vessie natatoire est semblable à un petit ballon rempli de gaz. En modifiant le volume de leur vessie, les poissons ajustent leur flottabilité. En plus de leur faciliter les déplacements verticaux, elle leur permet de demeurer quasi stationnaires et, par conséquent, de diminuer considérablement leurs dépenses énergétiques. Certains poissons de fond, comme le chabot et la barbotte, ne possèdent pas de vessie natatoire. Ces poissons coulent donc vers le fond aussitôt qu’ils ne sont plus en mouvement.
Respiration
Pour respirer, les poissons doivent extraire l’oxygène dissout dans l’eau. Ce dernier se retrouve dans une proportion nettement inférieure à celle de l’air, soit entre 7 et 12 parties par million dans les eaux douces du Québec. Les poissons ont donc besoin d’un organe respiratoire efficace et ce sont les branchies qui jouent ce rôle. Situées dans une cavité sous l’opercule, les branchies débarrassent le sang du gaz carbonique et l’enrichissent en oxygène. L’eau pénètre d’abord par la bouche, passe par le pharynx et entre ensuite en contact avec les branchies. Ces dernières sont composées principalement de quatre arcs cartilagineux à l’arrière desquels se trouvent deux rangées de feuillets. À leur surface se trouvent les lamelles brachiales, aux parois extrêmement minces et à travers lesquelles le sang circule. Après l’échange gazeux, l’eau est expulsée par l’opercule.
Sens et perception
Les yeux des poissons, quoique similaires à ceux des vertébrés supérieurs, ne sont pas aussi performants. Sous l’eau, même dans les eaux les plus cristallines, la vision éloignée est impossible. Aussi les yeux des poissons sont-ils conçus pour une vision plus rapprochée. Cette faiblesse est compensée par un champ de vision plus large. Certains poissons, toutefois, ont une excellente vision et peuvent repérer et attraper un insecte avant même qu’il se soit posé sur la surface de l’eau.
Les poissons ne requièrent pas tous une acuité visuelle aussi grande. Les poissons de fond, comme la carpe ou les chevaliers, brouillent tellement l’eau en fouillant pour leur nourriture qu’ils doivent compter sur d’autres sens pour être efficaces. Pour cette raison, la grosseur des yeux des poissons diffère d’un milieu à un autre. Les poissons qui vivent en eau claire ont des yeux assez gros et les yeux de ceux qui ont un mode de vie nocturne le sont davantage. Les poissons qui vivent là où la visibilité et la luminosité sont réduites ont des yeux assez petits et dépendent d’autres sens pour leur survie. S’il n’y a pas de lumière, et c’est le cas dans certaines cavernes, les yeux des poissons sont pour ainsi dire absents.
Le sens auditif des poissons est très différent de celui des animaux terrestres. Ils n’ont pas d’oreilles externes, moyennes ou de tympans. Ils n’ont qu’une oreille interne, dont le rôle premier est de servir à la fonction d’équilibration.
Les poissons possèdent une ligne latérale sur leur corps. Il s’agit d’un organe sensoriel qui détecte les variations de pression transmises dans l’eau. Elle est constituée d’une rangée de pores situés entre les écailles et au fond de laquelle se trouvent des récepteurs sensibles à la pression. Souvent bien visible, elle est généralement située sur les flancs du poisson. Elle permet entre autres de percevoir les variations de température, la présence d’obstacles, de proies ou de prédateurs.
On dénote la présence de terminaisons nerveuses à la surface du corps du poisson. C’est surtout sa capacité à sentir les vibrations qui jouerait un rôle essentiel dans sa perception de l’environnement.
Pour la plupart des espèces de poissons, les sens de l’odorat et du goûter revêtent une importance capitale, car ce sont eux qui interviennent lorsqu’ils se nourrissent. Comme chez l’être humain, ces deux sens sont étroitement liés, mais contrairement à nous, le sens du goûter des poissons intervient même à distance. Des papilles gustatives sont non seulement situées sur la langue et à l’intérieur de la bouche, mais aussi sur la tête, les opercules et parfois sur les nageoires. Leur sens de l’odorat, quant à lui, s’opère à l’aide de deux narines, composées chacune d’une ou deux ouvertures. Elles sont situées à l’avant du nez et ne communiquent qu’avec la gorge. Chez certaines espèces de fond, comme la barbotte, les performances gustatives sont amplifiées par l’utilisation de barbillons.
Alimentation
La majorité des poissons sont carnivores. Seul un petit nombre d’espèces sont herbivores. Leur régime alimentaire est fréquemment variable et s’ajuste selon l’abondance des organismes disponibles dans leur milieu. De plus, l’alimentation se modifie souvent selon le stade de développement de l’animal.
Reproduction et croissance
Les poissons grandissent toute leur vie. Même s’il est vrai que le taux de croissance diminue avec le vieillissement, la taille d’un poisson est proportionnelle à son âge. Selon l’espèce, la taille des poissons varie de un centimètre à plus de six mètres. Toutefois, selon le temps de l’année, les périodes de croissance sont très variables. L’âge d’un spécimen peut être déterminé de façon relativement précise par l’examen des écailles. Il peut aussi être déterminé grâce aux otolithes, de petits os associés à l’appareil auditif qui servent à le diriger. Cette méthode est utilisée dans le cas des poissons sans écailles, mais oblige le sacrifice du spécimen.
La période du frai est le moment où les poissons se reproduisent. Chez la plupart des espèces, cette période a lieu au printemps. Parfois, le frai se produit tard en automne, comme c’est le cas chez le touladi. En prélude à cette période, certaines espèces vont subir une transformation de leur physionomie, d’autres vont s’affairer à la construction d’un nid et l’on assiste parfois à une parade nuptiale des plus élaborées. La reproduction des poissons est sexuée et la majorité des espèces est ovipare. La fécondation des œufs est externe et leur nombre peut varier de quelques centaines à plus d’un million. Ils peuvent être déposés dans un nid méticuleusement préparé ou au hasard entre de grosses pierres, accrochés à de la végétation ou laissés libres à flotter. Le temps de développement des œufs est en fonction de la température de l’eau et peut varier entre une et vingt semaines. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des poissons meurent dans la première année de leur existence.
.